L’actualité se fait régulièrement l’écho d’atteintes aux personnes pour des faits ou des présomptions d’agressions sexuelles, notamment dans le monde du cinéma. Mais ce type d’atteintes aux personnes existent hélas aussi dans les autres secteurs d’activité professionnelle, comme Pierre-Eric SUTTER, psychologue indépendant et IPRP (préventeur en santé au travail) du cabinet mars-lab, en rencontre au quotidien. Il est régulièrement sollicité par des employeurs pour les accompagner dans le traitement de faits préjudiciables aux salariés eu égard aux articles L1152 et/ou L1153 du Code du travail voire à l’art.222-33 du Code pénal engageant la responsabilité juridique de l’employeur, voire l’obligation de sûreté (article L4121 du Code du travail) car pouvant avoir des répercussions sur la santé mentale des salariés concernés, directement (victimes) ou indirectement (témoins). Il nous présente sa méthodologie d’intervention et donne quelques conseils pour garantir la réussite de telles interventions.

Ne pas prendre à la légère les présomptions d’accusations, qu’elles soient fondées ou pas…

« Son chef a assisté au diagnostic du médecin dans la salle d’infirmerie en la présence du salarié malgré la demande ce premier de se retirer »… « Il l’a traitée de “salope“ en lui disant que “les femmes ne sont bonne qu’à être baisées“ »… « Il lui a demandé si elle ne voulait pas “monter au septième ciel avec lui“ »… Ce genre de cas remontent aux oreilles des managers sans qu’ils n’en aient été témoins. Doit-on traiter à la légère ces assertions ? Si non, comment établir la véracité des faits, en l’absence de témoins présumés ? Cela vaut-il la peine de conduire une enquête si les accusations semblent infondées ? Les employeurs conscients de leur responsabilité juridique (et des sanctions qu’ils risquent de subir s’ils ne font rien) ont tout intérêt à conduire une investigation au travers d’une enquête contradictoire pour deux raisons au moins. Ne pas s’exposer aux sanctions de faute inexcusable résultant de l’obligation de moyens en matière de santé au travail, laisser trainer des rumeurs qui peuvent entrainer des conséquences graves comme des violences ou des suicides, hélas qui bien qu’ils soient rares, arrivent et provoquent d’immenses dégâts.

Enquête contradictoire neutre, bienveillante et paritaire, kesako ?

Ces enquêtes contradictoires doivent recueillir les propos des personnes agresseurs et agressées mais aussi des témoignages de celles qui les côtoient au quotidien. Ces enquêtes doivent être conduites par l’employeur (en général la Direction des ressources humaines qui le représente quand il y en a une) de façon neutre et bienveillante (sans a priori préalable car la véracité des accusations ne peut se fonder que sur des faits certains) mais aussi paritaire. La parité dont on parle ici consiste à établir la véracité des faits en associant un psychologue-IPRP externe (intervenant en prévention des risques professionnels, régi par l’article 4644 du Code du travail) aux partenaires sociaux et à la médecine du travail, conjointement à la DRH. Le recours à un IPRP permet de garantir que cette enquête préservera la confidentialité des échanges avec les personnes interrogées.

L’enquête doit permettre de recueillir auprès des salariés pressentis (potentiellement témoins de scènes incriminant les potentiels agresseur et agressé) les éléments suffisants afin d’établir la réalité des faits présumés délictueux et les éventuelles atteintes à l’intégrité mentale des personnes concernées, en relai avec la médecine du travail. Etant soumis au secret professionnel, un psychologue-IPRP peut transmettre les éléments relatifs aux atteintes à la santé au travail via des alertes ou signalements sans que l’employeur ne puisse exiger le détail des échanges ni les noms des personnes concernées.

Les entretiens de l’enquête peuvent être conduits en présence d’un représentant du personnel, conjointement à l’IPRP, pour assurer aux salariés que le respect des droits des personnes seront respectés, et plus simplement, pour les mettre en confiance. Toute la vigilance des enquêteurs devra être mobilisée pour s’assurer qu’aucun salarié ne puisse souffrir de quelque manière que ce soit du point de vue de la santé mentale et ainsi exposer juridiquement l’employeur (personne morale et/ou personne physique).

Enquête pour agression sexuelle: méthodologie en 10 étapes

  1. Gouvernance du projet: Un comité de pilotage (COPIL) paritaire doit être formé avec les membres de la DRH et avec les représentants du CSSCT pour piloter et superviser la démarche, de concert avec l’intervenant IPRP, ainsi qu’avec le médecin du travail, représentant le Service de santé au travail. Le COPIL informe régulièrement la Direction et le CSSCT du bon déroulement des opérations s’il y a lieu, sans dévoiler le contenu des échanges.
  2. Convocation des personnes mises en cause: Les salariés pressenties doivent convoqués dans un lieu neutre à l’aide d’une convocation à en-tête permettant aux salariés de pouvoir se rendre à leur rendez-vous sans avoir à se justifier vis-à-vis de leur management.
  3. Validation du questionnement d’investigation: l’intervenant propose un questionnaire qualitatif standardisé, de manière que tous les protagonistes soient soumis au même questionnement. Ce questionnaire, validé en COPIL, permet de traiter avec la même équité l’ensemble des interviewés et de recueillir un matériau similaire favorisant les meilleurs recoupements de données tout en évitant d’oublier de poser des questions importantes.
  4. Information des protagonistes: Les informations délivrées aux salariés doivent être standardisées de façon qu’ils soient tous traités de la même manière, afin que leur intégrité juridique et psychologique soit respectée. L’intervenant prévoit d’expliquer en début d’entretien la situation aux protagonistes pressentis pour être entendu durant la phase d’enquête ; le but de l’intervention, le cadre réglementaire, la qualité de l’intervenant, les modalités logistiques (suite du rdv) leur sont également précisés.
  5. Interviews et structuration de l’échange: chacun des protagonistes est reçu par le psychologue-IPRP et l’une des deux représentantes du personnelle durant une cinquantaine de minutes. Chaque salarié a la faculté de ne pas s’exprimer (il participe uniquement sur la base du volontariat) s’il le refuse ou de ne pas bénéficier de l’assistance du représentant du personnel dès lors qu’il aura entendu l’objet de l’entretien. Chaque personne est informée de la même manière quant au déroulement de l’entretien qu’il aura avec l’enquêteur/les enquêteurs et du contexte réglementaire qui justifie une telle enquête, en insistant sur ses droits mais aussi ses devoirs, notamment du risque de non-assistance à personne en danger. Tous les salariés interviewés auront chacun les mêmes questions relatives à l’investigation qui seront posées de la même manière, quelle que soit sa position dans l’organisation. A la fin de l’entretien, il sera précisé aux salariés de s’engager à ne pas divulguer les informations échangées.
  6. Compte-rendu d’enquête, éventuel complément d’enquête, recommandations: A l’issue des entretiens, l’intervenant établit un compte-rendu d’enquête qui permettra d’établir la véracité des faits remontés par l’alerte. Chaque salarié contresigne le compte-rendu, imprimé à l’issue de l’entretien en deux exemplaires, également signé par l’IPRP qui en conserve un exemplaire (sans qu’il n’en soit remis une copie à l’employeur). En tout état de cause, s’il s’avère que des protagonistes sont susceptibles d’être en infraction avec la règlementation en vigueur (notamment s’il s’avère que des faits indiquent une présomption de harcèlement), l’employeur en sera informé pour qu’il puisse prendre les meilleures décisions (séparation de la victime présumée avec son agresseur, sanctions éventuelles, etc.), de concert avec les représentants du personnel membre du CSSCT, en s’assurant que la confidentialité des échanges avec les protagonistes soit préservés. L’intervenant établira une série de recommandations pour traiter au mieux la situation et le vécu des protagonistes éventuellement impactés par la situation.
  7. Alerte(s) à la santé: S’il s’avère que l’intervenant doive alerter également le Service de santé au travail, le psychologue-IPRP, en sa qualité de préventeur en santé au travail, contacte le médecin du travail pour l’en informer, sans que l’employeur puisse exiger l’accès à la teneur des informations échangées. Le médecin du travail reste souverain quant à la nécessité d’informer l’employeur au cas par cas. S’il s’avère que des personnes sont en souffrance psychique pour une cause personnelle, l’IPRP leur formulera des recommandations de visu (médecin de ville, psychologue, assistante sociale…), au regard de leur situation, sans que l’employeur ne puisse exiger d’en être informé.
  8. Entretien avec le présumé agresseur : il devra être prévenu à l’avance de son entretien de manière à pouvoir prendre connaissance des faits qui lui sont reprochés, à se préparer, et à se faire représenter par le représentant du personnel de son choix, en plus du représentant participant à l’enquête avec l’IPRP.
  9. Entretien avec la victime présumée : ayant été convoquée par l’employeur, elle pourra rencontrer si elle le souhaite le psychologue, en tête à tête. Un retour sera effectué au COPIL sans que des détails de cet échange ne soient divulgué.
  10. Compte-rendu global : à l’issue des entretiens, l’IPRP fera un retour au COPIL et un compte-rendu ad hoc sera remis à l’employeur.

Vous souhaitez en savoir plus sur ce type d’intervention, en toute confidentialité ? N’hésitez pas à contacter Pierre-Eric SUTTER, directement à son adresse personnelle : sutter@mars-lab.com

Pierre-Eric SUTTER, IPRP

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