Partie 1 – Le salariat au centre de la relation contractuelle entre employeur et employé

Un certain nombre de signaux forts montrent que l’évolution du capitalisme comme celle de l’économie poussent à remettre en cause les liens qui régissent l’employeur et ses employés, notamment celui contractuel qu’est le salariat. Un certain nombre d’experts prophétisent la « fin du travail » (J. Rifkin déjà depuis 1995), la « fin de l’emploi » (B. Stigler), la « fin du salariat » (Jean-Pierre Gaudard). Bien qu’environ 90% des travailleurs soient encore salariés en France, on ne peut que s’interroger sur l’avenir du salariat qui semble subir les coups de boutoir des employeurs comme des employés eux-mêmes. Sans parler en toile de fond de l’arrivée de la 3° révolution industrielle qui viendrait supplanter une 2° révolution industrielle à bout de souffle.

L’avenir du salariat sera-t-il sa disparition, sa métamorphose ou sa coexistence avec d’autres formes de lien contractuel ? Bien malin qui saurait répondre à cette question, mais elle interpelle tout autant le gestionnaire d’entreprise que le travailleur, en ce début de 21° siècle, et bien évidemment le consultant qui conseille l’un (sur l’organisation du travail, le recrutement, la gestion des compétences…) ou aide l’autre (par exemple dans son employabilité). Commençons par nous réapproprier les termes de salariat, d’emploi et de travail pour en discerner les spécificités avant d’évoquer quelques tendances de fond qui commencent à se dessiner en ce début de 21° siècle et qui pourraient bouleverser le monde du travail d’ici les décennies à venir.

Comme précisé dans Wikipedia, le salariat est un “mode d’organisation du travail qui repose sur la fourniture d’une prestation par une personne, contre rémunération et sous lien de subordination juridique avec un employeur“ : c’est le fameux “travail contre salaire“, cadré par ce lien de subordination qui limite la liberté d’aller et venir du salarié et l’attache à son employeur par un contrat de travail. La rémunération peut, en principe, prendre d’autre forme que le salariat : celles des honoraires comme pour les professions libérales, celle des piges comme pour les journalistes non mensualisés ; celle des prélèvements sur les résultats d’entreprise, comme pour les professions indépendantes (artisan, commerçant, exploitant agricole, gérant…). Dans ces cas la relation contractuelle est de toute autre nature (commerciale, de patientelle, réglementaire…), elle ne se matérialise pas par un bulletin de salaire mais le plus souvent par un acte, une note d’honoraire ou une facture. Outre le lien de subordination, le salariat ouvre à un certains nombres de droits collectifs permettant aux salariés de bénéficier à des avantages sociaux plus ou moins avantageux d’une société à l’autre, comme par exemple l’assurance chômage, qui n’est pas garantie à tous les autres statuts (les gérants ou certaines professions libérales par exemple, qui doivent contracter une assurance privée).

Un emploi se définit comme un contrat passé entre deux parties, l’employeur et l’employé, pour la réalisation d’un travail contre une rémunération, par l’exercice d’une profession. Pour un travailleur indépendant, il s’agit de la réalisation de multiples contrats explicites ou implicites dans le cadre de son exercice professionnel. Dans le sens de l’organisation et de la division du travail, un emploi est un ensemble de tâches qui supposent des compétences attendues, permettant de contribuer à l’activité de l’employeur. Un emploi se décline en postes de travail inscrits à l’organigramme de l’employeur, occupés par des employés ayant les capacités nécessaires pour occuper ledit emploi. Les employés sont rétribués pour produire un travail au sein de leur organisation d’appartenance (entreprise ou administration). Ainsi, une personne bénévole n’occupe pas un emploi au sens strict du terme. La notion d’emploi se pose comme un cadre juridique et socio-économique, le plus souvent associé à celle de salariat et celle de contrat à durée indéterminée (autour de 87% des emplois salariés en France en 2014) car elles facilitent la relation contractuelle entre employeur et employé en évitant notamment de renégocier en permanence les termes du contrat.

Le travail quant à lui, correspond, dans son sens le plus large, à toute activité humaine de production de biens et/ou de services. Le bricolage, les travaux ménagers, la toilette ou les devoirs scolaires entrent dans ce champ (Wikipedia). Dans un sens socio-économique plus restreint, seuls les biens et services ayant une valeur pour autrui sont pris en compte. Ce périmètre inclut les travaux ménagers, mais exclut par exemple la toilette. Depuis le rapport Stiglitz, les économistes insistent sur le fait que le travail n’est pas seulement le travail rémunéré, l’activité productrice des travailleurs : il comprend aussi le bénévolat et le travail domestique.

Ce qui ressort de la relecture de ces définitions c’est que le travail peut exister en tant que tel sans être un emploi salarié. Un individu peut produire de la valeur par son travail sans en retirer une rémunération, salariée ou non, si par exemple elle est bénévole. S’il le fait spontanément dans un cadre familial ou associatif, il donne gratuitement son temps et sa force de travail de son plein gré, faisant mentir l’adage, en apparence, que « tout travail mérite salaire ». Sauf que parfois, la gratification peut être symbolique et valoir plus que de l’argent : le sentiment de se sentir utile ou d’aider les autres peut apporter une forme d’accomplissement élevée bien plus forte que le revenu du salariat, comme l’ont montré des recherches en psychologie positive.

Le travail peut tout autant exister dans une économie de troc (j’échange mes poteries contre ces poules, j’échange mes talents de menuisier contre ceux de maçon, etc.) sans que les éléments fiduciaires et monétaires ne viennent intermédier les échanges entre producteurs. Le troc présente des limites certaines puisqu’il suppose de pouvoir intéresser autrui avec sa production pour tous les biens de nécessité ; il suppose également de pouvoir écouler sa production via une place de marché présentant suffisamment de clients également fournisseurs de leur production. Contrairement à l’idée reçue, le troc n’a pas précédé les économies monétaires mais leur a succédé, selon les anthropologues ; car pour qu’il y ait troc, il faut qu’il y ait un système de référence de valeur unitaire (combien de poteries vaut une poule ?). Il est tout aussi illusoire de croire que le troc a disparu de nos jours, bien au contraire. De nombreux sites webs de troc se sont développés ces dernières années, des monnaies virtuelles également. Même derrière l’apparence contractuelle et monétaire du salariat on retrouve des éléments similaires au troc, qui sont autant d’arrangement entre managers et collaborateurs : j’échange des heures supplémentaires non payées certains soirs de semaine contre le fait de pouvoir partir plus tôt en week-end.

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